Lors d’un voyage au Japon, j’ai séjourné dans des maisons traditionnelles où les murs sont de fines cloisons mobiles, donnant sur une cour intérieure. Dans les pièces de ces habitations, on est aussi sensible au climat, à la température, à l’humidité que lorsqu’on se trouve à l’extérieur.
J’ai été frappée par la porosité entre l’espace intime et l’espace extérieur. J’ai construit une maquette d’une pièce à l’échelle 1/33, dont le sol est recouvert de terre noire. Au centre, une table en métal sur laquelle est posé un corail. Ce décor traverse et témoigne de changements liées au climat : tout d’abord ce territoire est aride puis la pluie rentre dans l’image et l’eau prend le dessus sur les composants de cette maquette.
J’ai construit dans cette scénographie un système de pluie artificielle pour intégrer l’eau dans cet espace intérieur. À la fin du film, le dispositif scénographie est dévoilé, sauf le dispositif de pluie pour que l’eau reste un élément sur lequel l’Homme n’a pas de prise.
Les éléments qui pourraient n’être qu’un décor sont en fait des personnages à part entière, qui figurent des dimensions de notre existence. La terre noire au sol incarne notre état primitif, originel. Le corail, matière organique, représente l’Homme. Le métal incarne la pensée, puisque c’est un élément fabriqué par l’homme. La pluie joue un rôle central dans cette oeuvre par son action sur les différents éléments. Elle redéfinit le territoire filmé mais aussi le film lui même. Elle tombe dans cet espace, la table, le corail, la terre deviennent récipients de l’eau. Elle représente à la fois le monde extérieur et le collectif. La pluie vient par essence du dehors et c’est un phénomène auquel nous sommes tous soumis à égalité.